Rencontre avec Alice Daudon, étudiante en Médecine à Paris Descartes et présidente de l’association NEMO, qui propose des activités pour les services de pédiatrie de la région parisienne.
Quelle est la mission de ton association ?
Notre association s’occupe d’organiser des activités – journées d’animations, sorties, voyages – à destination d’enfants hospitalisés en Ile de France. L’objectif est de permettre à la fois aux enfants hospitalisés de sortir du quotidien monotone de l’hôpital, mais également à nous, étudiants faisant partie du corps soignant, d’avoir une autre vision de l’hôpital : plus humaine, détachée de la maladie et plus proche des enfants.
Comment ce projet a-t-il vu le jour ?
Créée en 2014 par 3 étudiants de Paris Descartes, l’association s’inspire du NEM (Noël des Enfants Malades) proposé par les étudiants en médecine de la faculté de Dijon. L’objectif premier était de proposer un Noël avec des animations et distribution de cadeaux pour les enfants hospitalisés à l’hôpital Necker. L’année d’après, comme cela avait beaucoup plu et que les étudiants étaient prêts à en faire plus, ça s’est développé et on est allés dans d’autres structures et on a commencé à faire d’autres fêtes : halloween, le carnaval, pâques et la fête de la musique. Sur Paris, beaucoup d’associations offrent le même genre d’activités dans les grands hôpitaux comme Necker ou Trousseau. Nous avons donc proposé nos ateliers à des structures situées en banlieue, et nous sommes pratiquement les seuls à venir animer les services de pédiatrie de ces hôpitaux. Nous avons
Aujourd’hui, NEMO est constitué d’environ 150 bénévoles et organise une quinzaine d’animations par an en partenariat avec 7 structures hospitalières : l’Institut Curie, le CHI de Poissy, le SESSAD Envol de Noisy-Le-Grand, l’HPR de Bullion, l’EPABR de Montreuil, l’Hôpital d’Enfants de Margency et le Centre Hospitalier Sud-Francilien.
Quels types d’activités proposez-vous ?
Nous organisons des ateliers manuels régulièrement, notamment pour confectionner les décorations pour Noël. À la fête de la musique, nous prévoyons souvent un petit concert où les adhérents viennent jouer pour les enfants et leur expliquent ensuite leurs instruments. Cette année pour le carnaval, on a interprété Inspecteur Toutoude Pierre Gripari. Cela représente une longue préparation parce qu’il faut aussi fabriquer les costumes et le décor. Nous faisons régulièrement appel à des intervenants extérieurs, comme un magicien qui est venu faire un spectacle.
Toutes ces activités représentent un énorme travail en amont, qui nous prend en général un ou deux mois pour tout préparer. Depuis 3 ans, on organise aussi un grand événement à la fin de l’année.
En quoi consiste ce grand évènement annuel ?
En 2016, NEMO a organisé un cinéma en plein air pour les enfants du CRFI de Brolles. Après des ateliers orientés sur le thème du cinéma, ils ont visionné Le Petit Princedans le parc du château de Brolles. L’année suivante, nous avons emmenés des enfants atteints de drépanocytose du CHI de Poissy en Vendée pour un stage de catamaran. Ils ont pu profiter de la plage, faire du kayak et du cerf-volant, pêcher, visiter un aquarium. Cette année, nous organisons un week-end au Puy du Fou pour une vingtaine d’enfants entre 9 et 13 ans hospitalisés ou atteints de pathologies chroniques, accompagnés d’une dizaine de bénévoles et de professionnels de santé pour assurer leurs soins le temps du voyage.
Des voyages gratuits et épanouissants
Ces voyages sont l’occasion pour les enfants de développer leur autonomie et de s’épanouir en dehors du cadre hospitalier et du cercle familiale le temps d’un week-end. Loin des problématiques de leur maladie, ils pourront s’évader à travers les nombreux spectacles du parc, mais aussi développer leur esprit critique et découvrir la vie en collectivité.
On essaye de faire en sorte que ces séjours soient complètement gratuits pour les familles parce que les dépenses en santé coûtent cher. Pour les familles les plus modestes, cela peut remettre en question les perspectives de vacances, car le budget loisirs est utilisé pour les frais de santé ou pour les aménagements à côté, par exemple si l’un des deux parents ne peut plus travailler pour s’occuper son enfant au quotidien.
Êtes-vous accompagnés ou formés avant de faire les activités ?
Non pas du tout ! Mais, suite à notre partenariat avec une structure accueillant des enfants autistes, on a organisé, de notre plein gré, une conférence sur l’autisme et sur la manière de prendre en charge une personne autiste dans notre pratique de médecin. Ce projet est né lorsque cette structure nous a fait part du problème majeur rencontré lors des soins médicaux, lié à l’absence de formation concernant l’autisme. Les enfants autistes ont beaucoup de mal à interagir et n’aiment pas forcément le contact avec l’autre, ce qui peut grandement compliquer la réalisation d’un examen par exemple.
Le pourcentage de personnes atteintes d’autisme est assez important et en tant que médecins, nous seront très probablement confrontés à cette difficulté. Nous avons donc fait venir deux psychologues, une éminente professeure spécialisée dans la recherche sur l’autisme, un chercheur dans l’imagerie sur l’autisme, ainsi qu’une maman d’un enfant atteint d’autisme. La réunion de ces différentes personnes nous a offert une perspective assez complète sur le sujet.
C’était la première fois qu’on faisait un évènement de prime abord moins orienté vers les enfants, mais qui finalement, servira plus tard à des enfants malades. Vu le succès que l’événement a eu, on pense recommencer ce type de conférence, peut-être sur le thème de l’éthique en pédiatrie.
Que t’apporte ton engagement dans l’association en parallèle de ta formation ?
L’asso permet aux étudiants d’interagir avec les jeunes sans endosser le rôle de soignant et de se rendre compte de la spécificité de la pédiatrie avant nos stages. Cette expérience auprès des enfants me permet de me sentir plus confiante pour aborder un stage en pédiatrie à l’avenir. Même si nous ne deviendrons pas tous pédiatres, nous passerons au moins une fois en pédiatrie durant nos études et c’est très important de s’y confronter en amont, car on n’explique pas du tout les choses de la même manière pour un enfant que pour un adulte.
Par exemple, en animant des ateliers, j’ai découvert qu’un service de pédiatrie au quotidien, c’est en général extrêmement joyeux. Une des premières animations que j’ai faites, c’était à l’Institut Curie qui s’occupe des enfants atteints de cancers. Au début, j’appréhendais un peu parce que je m’attendais à ce que cela soit très triste, mais finalement, c’était vraiment très joyeux. Les familles se soutiennent entre elles et l’équipe médicale est très soudée, toujours en train d’essayer de faire rire les enfants.
Quelles compétences as-tu acquises ?
Je suis vraiment très contente de pouvoir faire partie d’une association aussi tôt dans ma vie, parce que je sais qu’après, on a de moins en moins le temps et l’énergie quand on est médecin. Pour ce qui est des compétences, il y a plusieurs aspects où je pense avoir progressé :
- Le travail d’équipe, après une PACES où c’est plutôt du « chacun pour soi » ! On est presque sélectionnés sur notre individualisme, alors qu’après, dans notre travail de médecin, nous devrons savoir réfléchir ensemble.
- L’organisation et l’administration, des domaines qui nous serviront toute notre vie !
- Les techniques de communication.
- Apprendre à déléguer : c’était quelque chose que je n’étais pas vraiment capable de faire au départ, mais étant donné que le travail de l’association est bien trop important pour une seule personne, j’ai appris à accepter que d’autres personnes le fassent pour moi et à leur faire confiance.
D’un point de vue personnel, la gestion de l’association m’a fait réfléchir sur moi et m’a fait grandir. J’ai gagné en assurance. Je suis aussi plus franche, parce qu’en associatif, on se rend vite compte que ça ne peut pas fonctionner sans communication, même lorsqu’il y a des choses désagréables à dire…
Comment financez-vous vos animations ?
Les fonds pour les projets étudiants – FSDIE – que l’on obtient en montant un dossier, sont versés par l’Université et nous permettent en grande partie de financer les activités de l’année.
Les quêtes, organisées sur des périodes de 3 jours, représentent aussi une importante source de financement. Les bénévoles enfilent leurs tee-shirts aux couleurs de l’association et vont dans la rue faire découvrir les activités de NEMO. Courant février, nous avons rassemblé 900 euros grâce à cela.
On obtient aussi des dons sur notre plateforme de crowdfunding, sur laquelle nous ouvrons une cagnotte spéciale pour le gros projet annuel.
Pourquoi portez-vous des vêtements personnalisés aux couleurs de l’asso ?
Nos tee-shirts nous apportent une grande visibilité, tant lors des ateliers au sein des hôpitaux que dans la rue pour les quêtes. C’est aussi comme ça qu’on a pu étendre notre réseau d’hôpitaux partenaires. Durant une distribution de flyers, nous avons également rencontré une artiste-peintre qui est ensuite venue pour réaliser une fresque avec les enfants dans un hôpital.
Pour en savoir +
Facebook : Association NEMO
Twitter : asso_nemo