Pierre Carreau, président, Antoine Branson, trésorier, et Hugo Delannoy, vice-président, se sont prêtés au jeu de l’interview à 3 voix pour nous présenter l’aventure de leur association étudiante, EISTI Makers, créée il y a tout juste 5 mois.
Quelle est la mission de votre association ?
Créée en septembre 2017, notre association développe différents projets technologiques à l’aide du Fablab Labboite, situé à Cergy-Pontoise. S’inscrire dans la synergie de ce fablab permet d’accéder à de nombreux outils technologiques et à des connaissances nouvelles. Le but de cette association est d’apporter une touche manuelle à notre enseignement scolaire en encadrant des projets proposés par les membres. Au début, on était 10, aujourd’hui on est passé à 20 membres, alors qu’on s’était mis une limite de 15 personnes !
Comment avez-vous créé EISTI Makers ?
Le bureau s’est formé de manière assez naturelle parce qu’on avait déjà en tête l’idée depuis la classe préparatoire. L’ouverture du fablab Labboite a été l’élément déclencheur ! Nous sommes tous les trois passionnés de bricolage, on a l’habitude de créer des choses. Nous avons décidé de nous réunir autour de ce point commun pour créer l’asso, plutôt que de faire nos trucs chacun dans son coin. À plusieurs, on peut presque tout faire !
Que créez-vous ?
Chacun propose ses idées, et après, on se sépare en plusieurs pôles de 3-4 personnes parce qu’on ne peut pas travailler à 10 sur une machine. Pour notre premier projet, histoire de fédérer l’équipe, on s’est lancé dans la fabrication d’une borne d’arcade : un projet typique des fablabs. Mis à part le fait que ça fait rêver beaucoup de geeks (étudiants dans une école d’info, on aime bien les jeux vidéo !), on a choisi ce projet parce qu’il y a beaucoup de documentation sur internet et qu’il permet de se former à beaucoup d’outils, de la découpe du bois à la conception électronique.
À terme, on pourra travailler sur plusieurs petits projets en parallèle, et offrir un encadrement individuel. Certains n’auront pas forcément envie de partager leur projet et voudront le développer seul, par plaisir de maîtriser la totalité de la chaîne de production. Nous leur apporterons donc les formations dont ils ont besoin.
En ce moment, en plus de la borne d’arcade, nous travaillons sur une station météo connectée, un skate électrique, des enceintes « infraflex », un localisateur d’objets perdus, etc.
Pourquoi réaliser des objets qui existent déjà ?
C’est une question que les personnes qui ne sont pas dans cette culture « makers » nous posent souvent : « bah ça existe déjà, alors pourquoi le refaire ? ». Nous, on leur répond « pourquoi l’acheter si on peut le faire soi-même ? » C’est une satisfaction personnelle, et souvent, c’est même plus la réalisation qui nous intéresse que le résultat final. On valorise avant tout l’apprentissage personnel. Plutôt que de faire faire ou d’acheter, on essaye de comprendre comment un produit se développe et fort de cette expérience, on pourra surenchérir sur d’autres projets.
En quoi est-ce complémentaire à votre formation ?
Au sein de l’EISTI (École Internationale des Sciences du Traitement de l’Information), nous n’avons pas forcément l’occasion de développer nos propres projets (à part l’asso ATILLA qui est uniquement centrée sur l’informatique). Notre école est spécialisée en mathématique et informatique, l’apport théorique ne rencontre donc pas ou peu l’aspect manuel. En tant qu’ingénieur, nous apprenons à concevoir sur le papier, mais nous n’allons jamais jusqu’au bout du processus. Dans nos métiers, nous ne serons pas amenés à découper du bois, mais il est important d’avoir conscience des étapes qui suivront notre contribution, voir l’aboutissement de l’idée jusqu’à la réalisation du produit fini. Un ingénieur se doit d’être polyvalent, c’est une histoire de culture générale, de curiosité.
EISTI Makers est donc complémentaire à l’école : cela nous donne l’opportunité de se former sur des choses qui nous plaisent, comme de l’électronique ou de la soudure, et d’avoir à disposition des imprimantes 3D, une découpeuse laser, etc.
Plutôt DIY ou entrepreneuriat ?
Nous nous inscrivons dans une optique de développement de l’entreprenariat au sein de l’EISTI, nos projets les plus innovants pouvant être développés dans l’Innovation Lab de l’école, qui accompagne l’étudiant jusqu’à la mise en production de son idée sur le marché… Si on découpe le processus étape par étape, notre association se situe au tout début, c’est le premier chaînon de l’entrepreneuriat : la phase de conception pour faire mûrir l’idée, la prototyper et la tester. L’innovation Lab prendra ensuite le relai, ainsi que les incubateurs ou les pépinières d’entreprise.
EISTI Makers se positionne également sur le créneau du DIY (Do It Yourself) qui est en plein essor. Nous comptons organiser des conférences ouvertes à tous à l’aide d’intervenants reconnus dans leurs domaines, afin de transmettre des notions d’informatique, d’électronique ou de mécanique et pour contribuer à la vie du fablab. Le fablab est un lieu de partage : on ne vient pas seulement pour utiliser les machines, mais aussi pour apprendre et transmettre des savoirs et des techniques.
Quels sont les avantages de faire partie d’une asso ?
Lier plaisir et professionnalisation
C’est un point d’entrée dans le monde pro. Contrairement à certaines assos qui sont tournées à 100% vers le plaisir, ou d’autres comme les junior-entreprises très orientées pro, EISTI Makers allie les deux : d’un côté, on s’amuse entre amis, et de l’autre on se professionnalise. C’est bien de bosser dans un BDE, mais avoir organisé toutes les soirées de l’année a sûrement moins d’impact sur un CV que d’avoir participé à un fablab !
Le sens des responsabilités
Être responsables du bureau nous apporte des compétences variées, notamment en management, parce que gérer une équipe de 20 personnes engagées dans différents projets, cela implique des responsabilités. Nous avons une relation de confiance avec les responsables du fablab qui nous laissent utiliser des outils qui coûtent plusieurs dizaines de milliers d’euros. En contrepartie, nous devons leur assurer qu’aucun des 20 participants ne se blesse ou abîme le matériel.
Un réseau de professionnels et des rencontres
Depuis la création de l’association, nous avons eu l’occasion de rencontrer beaucoup de personnes. Le fablab n’est pas uniquement réservé aux étudiants, il y aussi des particuliers, des entreprises, des pros… Au fur et à mesure des projets, nous avons besoin de nouvelles connaissances. Un des administrateurs du fablab nous a mis en relation avec un menuisier pour la découpe du bois, parce qu’il n’y avait pas d’outil de menuiserie au fablab et nous en avions besoin pour la fabrication de la borne d’arcade. En échange, certaines personnes ont besoin de connaissances en informatique que nous pouvons leur apporter. Par exemple, nous avons proposé de former à la programmation informatique 2 particuliers rencontrés au fablab qui souhaitaient se mettre à la robotique. C’est aussi très valorisant dans le milieu professionnel d’avoir fait partie d’une asso de makers, c’est une preuve de dynamisme et de créativité. Aujourd’hui, beaucoup d’entreprises cherchent cet esprit de partage plutôt que l’individualisme : savoir fédérer et gérer un groupe fait partie des exigences professionnelles.
Quelle est votre stratégie de com’ ?
Les réseaux sociaux
Sur les réseaux sociaux, on fait simple et efficace, ça ne sert à rien de spammer comme beaucoup d’associations le font, au bout d’un moment ça lasse. Le but, c’est de donner des nouvelles régulièrement pour que les gens se rendent compte que c’est une asso vivante.
Un blog de documentation francophone
Nous travaillons également sur le lancement d’un blog référençant techniques, méthodes, trucs et astuces, qui sera officiellement en ligne dans 2 ou 3 semaines. L’objectif est d’y regrouper des tutos et des fiches pratiques sur des sujets peu documentés en France. On peut trouver beaucoup d’informations sur l’informatique, l’électronique, la mécanique sur des sites anglais, allemands, belges… Mais cette documentation reste très pauvre en France. Quand on cherche un truc en informatique, on se dirige tout de suite vers des sites en anglais parce qu’on sait qu’on trouvera plus facilement. Le but ultime serait de devenir un site de référence français dans le DIY, en faisant collaborer les membres de l’association à l’écriture pour les impliquer encore plus. Cela peut également servir de plateforme d’échange autour des projets et de réunir tout un réseau.
Quels sont vos conseils pour monter une association ?
- Lancez-vous ! N’ayez pas avoir peur de l’administratif qui se gère très bien, à partir du moment où on est sérieux.
- Choisissez un domaine qui vous plaît, une passion et pas simplement un bon créneau au risque de vous lasser très vite.
- Ne sous-dimensionnez pas les choses. Faites directement des statuts et un règlement intérieur correct.
- Communiquez et partagez sur votre projet !
Est-ce que vous portez des vêtements personnalisés à l’image d’EISTI Makers ?
On vient de recevoir nos pulls de chez School Phenomenon (et avec de l’avance par rapport aux délais prévus !) qui nous apportent une identité visuelle en accord avec le site et les stickers… Il faut dire qu’il y a aussi quelque chose d’institutionnel : toutes les assos ont un vêtement personnalisé, mais ce n’est pas par mimétisme qu’on a choisi d’en porter : on est surtout fiers de notre asso, ça crée une famille, un point commun. C’est aussi une com’ indirecte parce que les gens nous regardent, ça leur fait une piqûre de rappel si certains avaient oublié notre existence ! Ça donne aussi une occasion de discuter et de présenter l’asso quand on les porte à des repas de famille.